Paradigme et organisations Vertes

Les organisations vertes reflètent le stade de conscience vert[1], qui vise l'harmonie, la tolérance et l'égalité. Tout en conservant une structure pyramidale, les organisations vertes se concentrent sur l'autonomisation afin d'accroître la motivation et de créer des lieux de travail de qualité. Elles vont au-delà de l'orientation actionnariale de l'orange pour englober l'ensemble des parties prenantes. La famille est la métaphore dominante.

Le stade Vert de la conscience

Le Vert est conscient de la part d'ombre de l'Orange : le matérialisme, l'inégalité sociale et la perte du sens de la communauté. Le Vert est attentif aux émotions des personnes : toutes les situations méritent respect. Il recherche la communauté, la coopération et le consensus. Les individus s'efforcent de s'intégrer, de créer des liens harmonieux avec tout le monde.

Dans les pays industrialisés, à la fin du 18e et au 19e siècle, un petit cercle opérant selon le paradigme Vert a défendu l'abolition de l'esclavage, la libération des femmes et la démocratie. Ken Wilber l'exprime ainsi :

Avec le tournant vers la rationalité et la moralité mondiale, nous assistons à la montée des mouvements de libération modernes... ce qui est juste et équitable pour tous les humains, sans distinction de race, de sexe ou de croyance.

...En l'espace d'une centaine d'années seulement...de 1788 à 1888, l'esclavage a été banni...de toute société industrielle rationnelle. Dans (les paradigmes antérieurs), l'esclavage est parfaitement acceptable, car l'égalité de dignité et de valeur ne s'étend pas à tous les humains, mais seulement à ceux de votre tribu.

Pour des raisons quasiment analogues, nous assisterons à la montée du féminisme et du mouvement des femmes à l'échelle de la culture... La démocratie, elle aussi, était radicalement nouvelle... Rappelons que dans les "démocraties" grecques, une personne sur trois était esclave, et pratiquement toutes les femmes et les enfants.[2]

Ainsi, à la fin du 18e et au 19e siècle, une petite élite a profondément façonné la pensée occidentale. Au 20e siècle, leur nombre a augmenté. Si le Orange prédomine aujourd'hui dans les affaires et la politique, le Vert est très présent dans la pensée académique, les organisations à but non lucratif, le travail social et les activités associatives.

Dans cette perspective, les liens sont plus importants que les résultats. Plutôt que de prendre des décisions du haut vers le bas, le Vert privilégie les processus collaboratifs, du bas vers le haut, et tente d'amener des points de vue opposés à un consensus. L'Orange glorifie l'esprit de décision. Le Vert exige des leaders qu'ils soient au service de ceux qu'ils dirigent. Cette position est noble, généreuse et empreinte d'empathie. À la lumière des inégalités et des discriminations persistantes, la vie ne doit pas se limiter à une quête égocentrée de carrière et de succès.

Pourtant, cette étape a ses contradictions. Elle tente de traiter toutes les perspectives de manière égale et se bloque lorsque d'autres abusent de sa capacité à accepter des idées intolérantes. L'égocentrisme du Rouge, la certitude de l'Ambre et l'idéalisme du Vert sont perçus par l'Orange. La relation du Vert aux règles est ambiguë : d'un côté, les règles sont arbitraires et injustes, mais les supprimer est impossible. Le Vert est puissant en tant que paradigme pour briser les anciennes structures, mais souvent moins efficace pour formuler des alternatives pragmatiques.

Percées et caractéristiques des organisations Vertes

Les Verts sont mal à l'aise avec le pouvoir et la hiérarchie. Si cela signifie que ceux qui sont en haut de l'échelle dominent ceux qui sont en bas, alors il faut abolir la hiérarchie. Donnons à tout le monde le même pouvoir. Il faut laisser les travailleurs posséder l'entreprise à parts égales et prendre les décisions par consensus.

Certains ont tenté de créer un avenir selon ces principes, comme le mouvement coopératif à la fin du 19e et au début du 20e siècle, ou encore les communautés de vie dans les années 1960. Rétrospectivement, ces formes extrêmes d'égalitarisme se sont avérées ne pas être un succès, à l'échelle et dans le temps.[3] Arriver à un consensus dans de grands groupes est intrinsèquement difficile.

Pourtant, le Vert a trouvé son propre mode d'organisation, à la faveur de trois avancées. Certaines des entreprises les plus célèbres et les plus prospères de ces derniers temps - Starbucks, Southwest Airlines, Ben & Jerry's, The Container Store, pour n'en citer que quelques-unes - s'appuient sur des pratiques et une culture Vertes.

Avancée Verte #1 : l'autonomisation

Les organisations Vertes conservent la structure hiérarchique méritocratique de l'Orange, mais font descendre autant de décisions que possible vers les collaborateurs de terrain. Ces derniers peuvent prendre des décisions de grande envergure sans l'approbation de la direction.

Ils sont directement en contact avec les nombreux problèmes quotidiens, de moindre importance. On leur fait confiance pour trouver de meilleures solutions que des experts qui viennent de loin. Les équipes au sol de Southwest Airlines, par exemple, sont habilitées à chercher des solutions créatives aux problèmes des passagers : leurs collègues de la plupart des autres compagnies aériennes doivent se contenter de suivre le règlement.

Il n'est pas aisé de mettre en œuvre la décentralisation et l'autonomisation à grande échelle. On demande en effet aux managers de partager le pouvoir et le contrôle. Pour que cela fonctionne, les entreprises doivent clairement définir le type de leadership qu'elles attendent des cadres supérieurs et intermédiaires. Les leaders Verts ne doivent pas se contenter de résoudre les problèmes de manière neutre (comme dans le cas de l'Orange), ils doivent être des leaders serviteurs. Ils doivent écouter leurs subordonnés, les responsabiliser, les motiver et les faire évoluer. Du temps et des efforts sont investis dans le développement de leaders serviteurs :

  • Les candidats à la direction sont sélectionnés en fonction de leur état d'esprit et de leur comportement : Sont-ils prêts à partager le pouvoir ? Dirigeront-ils avec humilité ?
  • Les organisations Vertes investissent souvent des sommes importantes dans des formations pour les managers nouvellement promus, afin de leur enseigner l'état d'esprit et les compétences des leaders serviteurs.
  • Les managers sont évalués sur la base d'un feedback à 360 degrés, afin que les supérieurs soient responsables devant leurs subordonnés.
  • Dans certaines entreprises, les managers ne sont pas nommés d'en haut, mais d'en bas : les subordonnés choisissent leur patron, après avoir interrogé les candidats potentiels.
Avancée Verte #2 : une culture fondée sur des valeurs et une vision inspirantes.

Une culture collective puissante est le ciment qui empêche les organisations autonomes de se déliter. On fait confiance aux employés de terrain pour prendre des décisions, guidés par des valeurs communes plutôt que par un gros recueil de directives.

Certaines personnes sont désabusées et ridiculisent la notion de valeurs partagées. En effet, les organisations Orange se sentent de plus en plus obligées de suivre la mode : elles définissent un ensemble de valeurs, les affichent sur les murs et "en ligne", puis les ignorent si cela est plus pratique pour leurs résultats. Mais là où le leadership s'appuie véritablement sur des valeurs partagées, on rencontre des cultures incroyablement vivantes dans lesquelles les employés se sentent appréciés et responsabilisés. Les résultats sont souvent spectaculaires. La recherche révèle que les organisations fondées sur les valeurs peuvent faire mieux que leurs homologues dans des proportions considérables.[4]

Les organisations Vertes peuvent placer un objectif inspirant au cœur de ce qu'elles font. Southwest ne se considère pas seulement comme une entreprise de transport ; elle insiste sur le fait qu'elle est une entreprise de "liberté", qui aide ses clients à se rendre dans des endroits où ils ne pourraient pas aller sans les tarifs avantageux de Southwest. Ben & Jerry's ne se contente pas de proposer des glaces, mais se soucie également de la terre et de l'environnement.

Dans les organisations Orange, la stratégie et son exécution sont primordiales. Dans les organisations vertes, la culture est primordiale. Les PDG des organisations Vertes affirment que la promotion de la culture et des valeurs partagées est leur tâche principale. Cette orientation confère aux ressources humaines (RH) un rôle central. Le directeur des RH est souvent un membre influent de l'équipe dirigeante et un conseiller direct du PDG. Il est à la tête d'une équipe conséquente qui orchestre des investissements importants dans des processus tels que la formation, les initiatives culturelles, le feedback à 360°, la planification de la continuité et les enquêtes sur le bien-être des collaborateurs.

Avancée verte #3 : La perspective des différentes parties prenantes

Les organisations Vertes insistent sur le fait que les entreprises ont une responsabilité non seulement envers les investisseurs, mais aussi envers la direction, les employés, les clients, les fournisseurs, les communautés locales, la société en général et l'environnement. Le rôle du leadership est de faire les bons compromis afin que toutes les parties prenantes puissent prospérer.

Cela contraste avec la perspective Orange selon laquelle les entreprises à but lucratif doivent fonctionner dans une logique d'actionnaire et que l'obligation première de la direction est de maximiser les profits pour les investisseurs. La "main invisible" d'Adam Smith est souvent invoquée pour expliquer comment cela profite à toutes les parties prenantes à long terme.

Alors que de nombreuses grandes organisations sont aujourd'hui tenues de publier un rapport sur la responsabilité sociale, les organisations Vertes considèrent que la responsabilité sociale fait partie intégrante de leur mode de fonctionnement. Elle ne constitue pas une obligation gênante.

La responsabilité sociale constitue une incitation à innover et à devenir des entreprises plus citoyennes. Elles travaillent avec des fournisseurs situés dans des pays en développement pour améliorer les conditions de travail et prévenir le travail des enfants ; elles réduisent leur empreinte carbone et leur consommation d'eau ; elles sont susceptibles de recycler les produits et de réduire les emballages.

Les dirigeants d'organisations Vertes affirment que si la " prise en compte des parties prenantes " peut entraîner des coûts plus élevés à court terme, elle sera bénéfique pour tous à long terme, y compris pour les actionnaires.

La famille en guise de référence

La métaphore dominante du paradigme Vert est la famille. Elle contraste avec "l'organisation en tant que machine" de la réalisation orange. Lorsque les dirigeants des organisations vertes s'expriment, vous ne pouvez pas manquer de remarquer combien cette métaphore revient fréquemment : les employés font partie de la même famille, ils sont dans le même bateau, prêts à s'entraider, à être là les uns pour les autres.

Chez Southwest, l'une des huit injonctions est d'afficher "un cœur de serviteur". Dans le Southwest Way, il s'agit pour les employés d'"embrasser la famille SWA".

DaVita, un opérateur majeur de centres de dialyse aux États-Unis, a mis en œuvre les principes du paradigme Vert de manière très cohérente.[5] Il utilise une autre métaphore communautaire, le village, et appelle ses 41 000 employés des citoyens. Le siège de l'entreprise est connu sous le nom de Casa DaVita, tandis que Kent Thiry, le président-directeur général, est appelé maire du village. On lui attribue le mérite d'avoir sauvé l'entreprise de la quasi-faillite en 1999 et de son succès actuel grâce à la culture Verte qu'il a instaurée.

L'ombre du paradigme Vert

Le paradigme Vert est né du rejet du paradigme Orange, et plus précisément de son ombre. À son apogée, le Vert est communautaire, égalitaire et consensuel.[6]

Les avancées du paradigme Vert sont considérables et ne sont probablement pas exagérées. Au cours de sa brève existence, l'humanité a connu des changements majeurs dans le sens d'une société plus humaine : le mouvement des droits civiques, le mouvement de libération des femmes, la campagne mondiale pour la protection de l'environnement, la sensibilisation accrue à la nécessité de protéger nos écosystèmes, les réformes des soins de santé, une meilleure prise de conscience de la discrimination des groupes minoritaires dans la société, etc. sont autant d'exemples de progrès qui n'auraient jamais vu le jour sans lui.

Mais si le paradigme Vert est un alternative salutaire à l'Orange et, dans une certaine mesure, aux étapes précédentes, c'est aussi une étape qui risque de se durcir de manière excessive dans son propre schéma et de révéler ses propres tendances négatives.

Un relativisme sans frontières

Le paradigme Vert est confronté à un véritable dilemme lorsque sa bienveillance et sa tolérance sont malmenées par ces mêmes groupes qu'il souhaite inviter à le rejoindre sur un pied d'égalité. L'ombre du paradigme Vert le contraint de choisir entre l'acceptation des groupes Ambres et Rouge eux-mêmes intolérants ou la reconnaissance du fait que toutes les visions du monde n'ont pas le même niveau de maturité et peuvent nécessiter différents niveaux de limitation.

Le non-rationnel, c'est mieux

Dans un effort pour se distancer des positions Oranges (rationnelles), l'ombre du paradigme Vert considère tous les systèmes de valeurs non rationnels comme préférables. Le Vert a une conception romantique du "retour à la nature". Souvent, il ne voit pas à quel point les visions du monde pré-rationnelles sont profondément limitées et à quel point elles sont différentes des visions du monde Vertes post-rationnelles.

La similitude accidentelle en tant que spécificité d'une identité pluraliste

Lorsque la forte volonté d'inclusion du paradigme Vert devient une identité, cela génère un besoin d'idéaux partagés comme condition préalable à la prise en compte de l'appartenance à un groupe.[7] Lorsque ce filtre "comme moi, comme nous" devient plus essentiel pour déterminer l'adhésion que la motivation et la capacité d'un individu à contribuer à l'objectif de l'organisation, cela entraîne souvent trois problèmes au niveau collectif : Un choix limité de personnes, un manque de diversité au sein de l'organisation et une capacité limitée à faire avancer les choses.

Le pouvoir et la structure sont des obstacles à l'égalité

L'ombre du paradigme Vert confond pouvoir et structure. La Nature est remplie de structures et de hiérarchies naturelles. Dans un effort pour éradiquer l'inégalité, l'ombre du paradigme Vert tente souvent de démanteler toute hiérarchie et structure. Mais supprimer toute structure formelle d'une organisation ne désamorce pas le pouvoir, cela force le pouvoir à se réfugier dans des structures informelles. Lorsque les membres de ces structures informelles ne sont pas élus par les membres de l'ensemble du groupe, les individus qui ont le pouvoir n'ont pas besoin de répondre à l'ensemble du groupe ou de l'organisation. Cela réduit la transparence de l'utilisation du pouvoir et déconnecte le pouvoir de la responsabilité.[8]On ne peut pas se débarrasser du pouvoir comme ça. Comme l'Hydre, si vous lui coupez la tête, une autre apparaîtra quelque part ailleurs.

Notes et references


  1. Ce stade correspond aux stades "individualiste" de Loevinger et Cook-Greuter, "individualiste" de Torbert, "affiliatif" de Wade, "FS" de Graves, "vert" de Spiral Dynamics, et d'autres ; il est souvent appelé simplement postmodernité. ↩︎

  2. Souvent dans l'histoire, nous trouvons des idées en avance sur leur temps, comme la démocratie dans la Grèce antique, c'est-à-dire en avance sur le centre de gravité du développement des personnes à ce moment particulier. Pour s'épanouir, ces idées doivent attendre que l'évolution les rattrape, qu'elle leur fournisse le bon "ventre culturel", comme l'appelle le philosophe américain Richard Tarnas : Une grande question ici est de savoir pourquoi la révolution copernicienne s'est produite au XVIe siècle, avec Copernic lui-même, et au début du XVIIe siècle, avec Kepler et Galilée ? Pourquoi a-t-il fallu attendre jusqu'à ce moment-là, alors qu'un certain nombre de personnes avant Copernic avaient émis l'hypothèse d'un univers héliocentrique et d'une terre planétaire ? On trouve des preuves de cette hypothèse chez les Grecs de l'Antiquité, en Inde et dans les cultures islamiques au Moyen Âge européen. Je pense que cette question montre à quel point un changement majeur de paradigme dépend de plus que de quelques données empiriques supplémentaires et de plus qu'une nouvelle théorie brillante utilisant un nouveau concept. Il dépend en réalité d'un contexte beaucoup plus large, de sorte que la graine d'une idée potentiellement puissante tombe sur un sol totalement différent, à partir duquel cet organisme, ce nouveau cadre conceptuel, peut se développer - littéralement une "conception" dans un nouvel utérus ou une nouvelle matrice culturelle et historique. Richard Tarnas et Dean Radin, "The Timing of Paradigm Shifts", Noetic Now, janvier 2012 ↩︎

  3. Dans le secteur des entreprises, les coopératives de travail ont échoué à obtenir une adhésion significative. Celles qui subsistent sont souvent gérées selon des pratiques qui sont une combinaison d'orange et de vert. Un exemple de réussite souvent cité est Mondragon, un conglomérat de coopératives basé dans la ville basque du même nom en Espagne (environ 250 entreprises, employant approximativement 100 000 personnes, avec un chiffre d'affaires d'environ 15 milliards d'euros). Toutes les coopératives sont entièrement détenues par les salariés. Les patrons sont élus ; les écarts de salaires sont moins importants qu'ailleurs (mais restent significatifs, pouvant atteindre 9:1 ou plus) ; les travailleurs temporaires n'ont pas le droit de vote, ce qui crée une communauté à deux niveaux où certains sont plus égaux que d'autres. Dans le secteur de l'éducation, il existe plusieurs modèles d'écoles sans structures d'autorité des adultes sur les enfants, notamment la Summerhill School, un pensionnat britannique fondé dans les années 1920. Il pratique une forme radicale de démocratie, où élèves et adultes ont le même pouvoir de vote, et où les cours ne sont pas obligatoires, entre autres différences. Dans la sphère institutionnelle, de nombreux organismes supranationaux - les Nations unies, l'Union européenne et l'Organisation mondiale du commerce, entre autres - disposent de mécanismes de prise de décision au plus haut niveau qui sont, du moins en partie, modelés sur les principes verts tels que le vote démocratique ou unanime des différents pays membres et la présidence tournante. Ces principes de décision verts sont difficiles à faire respecter, et les pays les plus riches ou les plus puissants exigent et finissent souvent par recevoir plus de pouvoirs de vote (souvent même des pouvoirs de veto implicites, voire explicites). Les services du personnel de ces institutions sont le plus souvent gérés comme dans des organisations Ambres. ↩︎

  4. La première grande étude remonte à 1992, lorsque John Kotter et James Heskett, professeurs à la Harvard Business School, ont examiné ce lien dans leur livre intitulé "Corporate Culture and Performance". Ils ont établi que les entreprises dotées d'une forte culture d'entreprise et dont les managers/employés sont responsabilisés ont obtenu de meilleurs résultats que les autres entreprises en termes de croissance du chiffre d'affaires (par un facteur de quatre), d'augmentation du cours de l'action (par un facteur de huit) et d'augmentation du bénéfice net (par un facteur de plus de 700) au cours des 11 années considérées dans la recherche. Une étude plus récente menée par Raj Sisodia, Jagh Sheth et David B. Wolfe, dans ce qui est sans doute un livre déterminant pour le modèle organisationnel vert - Firms of Endearment : How World-Class Companies Profit from Passion and Purpose - est parvenue à des conclusions similaires en 2007. Les "firmes de prédilection" étudiées par les auteurs ont obtenu un rendement cumulatif pour les actionnaires de 1 025 % sur les dix années précédant la recherche, contre 122 % pour le S&P 500. D'un point de vue méthodologique, ces résultats sont à prendre avec des pincettes. Il y a un biais de sélection évident, car seules les sociétés exceptionnelles dont on peut s'attendre à ce qu'elles surpassent leurs pairs ont été sélectionnées dans l'échantillon. L'indice de référence, le S&P 500, n'a pas été ajusté en fonction du secteur, de la taille ou d'autres critères. En outre, les critères autres que le modèle d'organisation, tels que les brevets, les modèles commerciaux innovants et l'utilisation des actifs, qui pourraient expliquer un résultat supérieur, n'ont pas été écartés. Le dernier livre de Raj Sisodia, écrit avec John Mackey, comporte un chapitre entier avec des références d'études similaires auxquelles les lecteurs intéressés peuvent se référer. Toute recherche tentant de faire des affirmations aussi générales que la supériorité d'un modèle organisationnel par rapport à un autre se heurte inévitablement à des discussions méthodologiques (et, sur le plan des principes, on pourrait remettre en question le rendement ou la croissance des actions en tant que mesure principale pour évaluer le succès, comme le font la plupart de ces études). Il se peut qu'en fin de compte, l'expérience directe compte davantage que les affirmations académiques. Quiconque passe du temps dans des organisations telles que Southwest Airlines ou The Container Store reviendra convaincu que les travailleurs responsabilisés dans des entreprises axées sur les valeurs obtiendront en moyenne de meilleurs résultats que leurs pairs dans des environnements plus traditionnels. ↩︎

  5. Le Stanford Business Case 2006 sur DaVita est très lisible et constitue une bonne ressource pour les lecteurs souhaitant se plonger dans une description plus détaillée des principes et pratiques organisationnels du paradigme Vert. ↩︎

  6. Don Beck l'exprime ainsi : "Notre science nous a laissés engourdis, sans cœur ni âme, et avec pour seules manifestations extérieures celles qui relèvent de la réussite. La " vie heureuse " n'a été mesurée qu'en termes matérialistes. Nous découvrons que nous sommes devenus étrangers à nous-mêmes, ainsi qu'aux autres. [...] l'être humain essentiel a été négligé. L'accent est mis non plus sur l'accomplissement personnel, mais sur des buts et des objectifs axés sur le groupe et la communauté - pour le VERT, nous sommes tous une famille humaine. Le VERT commence par faire la paix avec nous-mêmes et ensuite il examine les dissonances et les conflits dans la société et veut faire la paix là aussi, en s'attaquant aux disparités et aux inégalités économiques créées par l'ORANGE, mais aussi par le BLEU et par le ROUGE, pour apporter la paix et la fraternité afin que nous puissions tous bénéficier d'un partage équitable. Les stéréotypes de genre sont dépassés, les plafonds de verre sont levés, des plans d'action positive sont mis en œuvre et les distinctions de classe sociale s'estompent. La spiritualité réapparaît sous la forme d'une "unité" non confessionnelle et non sectaire." ↩︎

  7. L'attitude qui en résulte consiste à protéger la singularité de l'organisation. Elle s'accompagne d'un jugement implicite et d'une méfiance à l'égard des personnes extérieures, considérées comme des menaces potentielles pour la culture établie. Cela ne se manifeste généralement pas par une critique explicite ou franche, car le Vert cherche souvent à éviter la confrontation. Il s'agit plutôt d'une posture de supériorité morale, d'un "devoir" implicite et d'attentes tacites concernant certains points de vue et moyens d'expression qui doivent être exposés ou acceptés pour être acceptés par les initiés. Toute absence de tels points de vue ou moyens d'expression confirme que la non-acceptation est justifiée. Clare W Graves l'exprime ainsi : "Le Vert donne naissance au système de valeurs sociocratiques, dans lequel l'accent est mis sur le fait de 's'entendre', d'accepter l'autorité du groupe ou de la majorité, et de rechercher le statut des autres. Cet individu "orienté vers l'autre" croit qu'il trouvera son salut dans l'appartenance et dans la participation des autres à ce qu'ils veulent qu'il fasse. Bien que l'individu ait abandonné son dogmatisme, il se fige néanmoins dans un monde de pensée sociocentrique", pour en savoir plus, voir The Mean Green Hypothesis : Fact or Fiction, par Natasha Todorovic ↩︎

  8. La cause naturelle des différences de pouvoir et d'influence est ancrée dans la diversité des individus. Nous avons tous des niveaux différents de capacités, d'expériences, de possibilités d'expression et lorsque nous les utilisons, cela se traduit naturellement par l'exercice de notre pouvoir personnel - qui est véritablement différent en force et en nature. Jo Freeman l'exprime ainsi : "L'idée d'une 'absence de structure' n'empêche pas la formation de structures informelles, mais seulement de structures formelles. [Ainsi, l'absence de structure devient un moyen de masquer le pouvoir. Un groupe non structuré a toujours une structure informelle, ou secrète. C'est cette structure informelle, en particulier dans les groupes non structurés, qui constitue la base des élites. Une élite désigne un petit groupe de personnes qui ont du pouvoir sur un groupe plus large dont elles font partie, généralement sans responsabilité directe vis-à-vis de ce groupe plus large, et souvent à leur insu ou sans leur consentement. Les élites ne sont pas des conspirations. Ces groupes d'amis fonctionnent comme des réseaux de communication en dehors de tout canal régulier de communication qui aurait pu être mis en place par un groupe. Parce que les gens sont amis, qu'ils partagent généralement les mêmes valeurs et orientations, qu'ils se parlent socialement et se consultent lorsque des décisions communes doivent être prises, les personnes impliquées dans ces réseaux ont plus de pouvoir dans le groupe que celles qui ne le sont pas. Pour que chacun ait la possibilité de s'impliquer dans un groupe donné et de participer à ses activités, il faut une structure explicite. Les règles de prise de décision doivent être ouvertes et accessibles à tous, et cela ne peut se faire que si elles sont formalisées. Une organisation "sans structure" est impossible. Nous pouvons seulement décider d'en avoir une structurée de manière formelle ou informelle. [...] Tous les groupes créent des structures informelles en raison des schémas d'interaction entre les membres. Ces structures informelles peuvent faire des choses très utiles. Mais seuls les groupes non structurés sont totalement gouvernés par elles. Lorsque des élites informelles sont associées à un mythe de "non-structuration", il ne peut y avoir aucune tentative de mettre des limites à l'utilisation du pouvoir. Conséquences : a) les gens écoutent les autres parce qu'ils les apprécient, et non parce qu'ils disent des choses importantes. b) les structures informelles n'ont aucune obligation d'être responsables envers le groupe dans son ensemble. Leur pouvoir ne leur a pas été donné ; il ne peut leur être retiré. Leur influence n'est pas basée sur ce qu'elles font pour le groupe ; elles ne peuvent donc pas être directement influencées par le groupe", voir The Tyranny of Structurelessness, par Jo Freeman pour plus d'informations. ↩︎