Raison d'être évolutive

"Rien ne dure sauf le changement"' Heraclitus[1]

La nature, l'homme, les relations : tout évolue, mû par une force vitale, pour s'adapter, se transformer et se développer. Dans la perspective de l'Opale, les organisations sont considérées comme un champ d'énergie indépendant dont l'objectif transcende les parties prenantes. Dans ce paradigme, nous ne possédons ni ne dirigeons l'organisation ; nous sommes plutôt des intendants, à l'écoute de ses besoins et l'aidant à faire son travail dans le monde...

Une nouvelle perspective

"Comme tout système vivant, toute organisation coévolue. Son caractère et ses capacités émergent au fur et à mesure qu'elle joue avec les possibles. Elle s'amuse avec les autres jusqu'à ce qu'un système viable apparaisse. Ce système possède des capacités et des convictions que personne n'avait prévues. Il accomplit le travail d'une manière que personne n'a conçue. Il entretient des relations que personne n'a imposées. Bien que nous nous préoccupions de la forme et de la structure, que nous peaufinons les procédures et les règles, que nous insistons sur la conformité et le contrôle, nous ne parvenons jamais à créer une organisation par ces portes d'entrée. L'organisation veut se créer par elle-meme. Les organisations humaines émergent de processus qui peuvent être compris mais jamais contrôlés." A Simpler Way, Margaret J. Wheatley et Myron Kellner-Rogers[2]

Quelle est la "raison d'être" d'une organisation ? Bien que de nombreuses organisations modernes disposent d'une "déclaration de mission", celle-ci sonne souvent creux, ne guide pas réellement la prise de décision et, en fait, est souvent totalement inconnue des employés. Plutôt qu'un objectif collectif, le comportement de la plupart des organisations est guidé par le désir d'auto-préservation. La nature de l'ego, fondée sur la peur, des stades évolutifs rouge, orange et ambre, prédispose les dirigeants et les employés à voir le monde comme un endroit dangereux, avec des concurrents qui essaient partout de leur voler leur déjeuner. La seule façon d'assurer leur survie est de saisir toutes les occasions de faire plus de profits et de gagner des parts de marché aux dépens des concurrents. Dans le feu de la bataille, qui a le temps de penser à la finalité ? Malheureusement, cette fixation sur la concurrence, fondée sur la peur, se manifeste même lorsque l'auto-préservation de l'organisation n'est pas en jeu. Dans les organisations qui sont quelque peu protégées de la concurrence (par exemple l'armée, les écoles publiques et les agences gouvernementales), l'ego craintif cherche encore la sécurité, cette fois dans la concurrence interne; les managers se battent pour l'auto-préservation de leurs unités dans des guerres de territoire avec d'autres unités, pour obtenir plus de financement, de talents ou de reconnaissance. Avec la transition vers L'Opale, les gens apprennent à apprivoiser les peurs de leur ego. Ce processus permet d'explorer des questions plus profondes sur le sens et le but de la vie, tant au niveau individuel que collectif : Quelle est ma vocation ? Qu'est-ce qui vaut vraiment la peine d'être accompli ? La survie n'est plus une nécessité pour les organisations Opale. Au contraire, c'est l'objectif fondateur qui compte vraiment.[3]

En pratique

Dans une organisation Opale, l'instinct de survie commandé par l'égo est remplacé par un désir puissant d'un travail fondé sur le sens et la finalité. Le concept "d'être le meilleur" devient un objectif vide de sens si l'organisation ne fait pas quelque chose qui n'est pas à la hauteur de l'énergie, des talents et de la créativité des personnes qui y travaillent. Le paradigme Opale accepte que chaque organisation possède sa propre identité, sa propre force vitale et sa propre vocation. Brian Robertson, le fondateur de Holacracy, utilise le terme "projet évolutif" pour indiquer que les organisations, tout comme les individus, ont une vocation et une énergie évolutive pour progresser vers cette vocation :

Quelle est l'identité de l'organisation ? Et que veut-elle ? ... Métaphotriquement, c'est comme la relation des parents avec leur enfant : ... nous sommes d'accord sur le fait que notre enfant a une identité, un chemin et un projet propre. Et ce n'est pas parce que je suis fou de joie à l'idée que mon enfant soit médecin que je dois projeter ce désir sur lui. Si je le fais, je rentre dans un processus nocif de co-dépendance. En tant que parents, nous avons appris que l'évolution d'un rapport sein entre parents et enfant est un processus de différenciation. Et, ironiquement, la différenciation permet à chacun d'etre davantage autonome et davantage lui-meme, ce qui à son tour permet une intégration plus consciente au sein d'une relation et d'une interconnexion; on rentre dans une relation entre pairs, entre égaux. ... C'est à nous, les humains, de nous ajuster au projet évolutif de l'entreprise; la clé est l'identité propre et la réponse à la question : "A quoi cette entreprise est-elle appelée ?" Et non pas "A quelle fin voulons-nous utiliser cette entreprise qui nous appartient?"; mais plutôt "Quel est le potentiel créatif de cette vie, de ce système vivant ?". C'est ce que nous entendons par projet évolutif : le potentiel créatif le plus profond pour faire naitre quelque chose de neuf, pour etre utile au monde en lui apportant une énergie, une valeur ... C'est à cette pulsion créative, à ce potentiel créatif que nous voulons nous accorder, indépendamment de ce que nous voulons par nous-mêmes.[4]

La raison d'être évolutive n'est pas la même chose qu'une vision. Une vision reflète généralement l'état de conscience égocentrique de l'équipe de direction, qui décide de ce qu'elle veut que l'organisation soit.

La raison d'être évolutive d'une organisation Opale reflète la raison profonde de son existence. Elle est liée à ce qu'elle veut faire bouger dans la communauté dans laquelle elle opère, ainsi que sur le marché qu'elle sert. Elle ne se préoccupe pas de la concurrence ou de surpasser les autres ; c'est le service du "bien commun" qui compte. En voici quelques exemples :

  • "Aider les patients à domicile à devenir autonomes et en bonne santé" - Buurtzorg, Organisme de santé[5]
  • "Utiliser l'entreprise pour inspirer et mettre en œuvre des solutions face à la crise environnementale” - Patagonia, pret-à-porter d'extérieur[6]
  • "Deux objectifs fondamentaux : le premier est de fournir un travail utile dans la région d'Hallencourt, une zone rurale du nord de la France où le bon travail est rare ; le second est de donner et de recevoir l'amour des clients." - FAVI, métallurgie.[7]

Pour les organisations Opale, cette transition vers une raison d'être évolutive a de profondes implications sur la façon dont elles considèrent des concepts aussi fondamentaux que la concurrence, la croissance et le profit. Alors que les organisations Orange semblent obsédées par l'idée de battre la concurrence (comme l'illustre le titre du livre de l'ex-PDG de General Electric, Jack Welch, Winning), les organisations Opale semblent perdre la notion même de concurrence. Puisque l'organisation Opale vit véritablement pour son objectif, toute personne qui peut l'aider à atteindre cet objectif est considérée comme un allié, et non comme un concurrent. Pour un exemple concret, voir "Exemples concrets - Buurtzorg" ci-dessous.

La croissance, dans la même veine, n'est un objectif que dans la mesure où le but peut se manifester à plus grande échelle, mais jamais un objectif en soi. Buurtzorg, par exemple, aide activement les patients à construire un réseau de soutien avec leurs familles, leurs amis et leurs voisins. L'entreprise tente essentiellement de se faire oublier dans la vie des patients le plus rapidement possible, ce qu'elle fait avec beaucoup de succès : une étude réalisée en 2009 a montré que les patients de Buurtzorg sont libérés deux fois plus vite que les clients de la concurrence et qu'ils ne demandent finalement que 50 % des heures de soins prescrites. La stratégie fondamentale de Buurtzorg - aider les patients à devenir autonomes et en bonne santé - revient en fait à rechercher moins de croissance, et non plus. De même, Patagonia est célèbre pour avoir diffusé des publicités pleine page où l'on pouvait lire "N'achetez pas cette veste". Ces publicités faisaient partie de son "Common Threads Partnership". Patagonia estime que beaucoup d'entre nous, dans le monde développé, ont assez de vêtements dans leurs placards pour nous tenir chaud toute une vie. Et pourtant, nous continuons à acheter de nouveaux vêtements, dont la production est néfaste pour l'environnement et qui finiront dans une décharge. Le partenariat Common Threads s'attaque sérieusement à la réduction (en fabriquant des vêtements qui durent plus longtemps), à la réparation (Patagonia répare les vêtements de ses clients), à la réutilisation (l'entreprise revend vos vêtements usagés sur eBay ou dans la section "Worn Wear" de ses magasins) et au recyclage (vous pouvez renvoyer vos vieux vêtements à Patagonia, qui les recyclera). Cette initiative va-t-elle nuire à la croissance de Patagonia à court terme ? Oui. Chaque veste réparée et réutilisée est une veste achetée en moins. Est-ce que cette initiative augmentera sa croissance à long terme, grâce à une plus grande fidélité des clients ? Peut-être. Mais la décision de Patagonia n'a pas été motivée par des prévisions et des données financières. L'entreprise a choisi la voie que son projet exigeait.[8]

La notion de profit change fondamentalement dans l'Opale également. L'augmentation de la valeur pour l'actionnaire est devenue la perspective dominante des organisations Orange. Elle stipule que les entreprises ont un devoir primordial : maximiser les profits. Dans de nombreux pays, cette perspective est juridiquement contraignante ; la direction peut être poursuivie pour des décisions qui mettent en péril la rentabilité. Sous le charme de la valeur actionnariale, les entreprises publiques se concentrent sans relâche sur le résultat net. Les organisations Opale à but lucratif ont une perspective différente du profit. Le profit est nécessaire et les investisseurs méritent un retour équitable, mais l'objectif est la raison d'être, pas le profit. Les fondateurs Opale utilisent souvent la même métaphore : le profit est comme l'air que nous respirons. Nous avons besoin d'air pour vivre, mais nous ne vivons pas pour respirer. Tami Simon, PDG de Sounds True, donne la définition de la finalité d'une entreprise : "Nous avons une idée des affaires qui serait que tout ce que nous faisons doit nous aider à gagner davantage d'argent, à être plus productifs ou que sais-je ? Mais ce n'est pas ma vision. Ma vision des affaires est que nous nous réunissons pour former une communauté de personnes qui veulent répondre à un besoin humain et se réaliser dans leur vie".[9]

Dans les organisations Opale, les bénéfices sont un sous-produit d'un travail bien fait. Le philosophe Viktor Frankl l'exprime bien : "Le succès, comme le bonheur, ne peut être recherché ; il doit survenir, et il n'est que l'effet secondaire involontaire du dévouement personnel à une cause plus grande que soi".[10]

Le projet d'une organisation Opale est rarement statique, d'où le terme "projet évolutif". Il évoluera au fil du temps, à mesure que l'organisation elle-même se développe et s'adapte. Par exemple, Buurtzorg, l'organisation néerlandaise de soins à domicile, a été créée pour "aider les patients malades et âgés à vivre une vie plus autonome et utile".[11] Ses activités ne se limitent plus à la prise en charge des personnes âgées, mais visent désormais à aider "les patients à devenir autonomes et en bonne santé".

Foire Aux Questions

Individual and organizational purpose go hand in hand. One needs the other to flourish. When the individual and organizational purpose enter into resonance and reinforce each other, extraordinary things can happen. When work meets vocation — an encounter that theologian Frederick Buechner described as “the place where your deep gladness meets the world’s deep hunger”— then members of an organization can pour their heart and soul into their work. They are fulfilled as human beings, not as productive units. At the same time, the organization's evolutionary purpose is furthered and allowed to grow.

Sujets connexes

    Notes et references


    1. cité par Diogène Laërtius dans Vies et opinions des philosophes éminents ↩︎

    2. Wheatley, Margaret J and Kellner-Rodgers, Myron. A Simpler Way. Berrett-Koehler Publishers, San Francisco, CA, USA (1999), p.109. ↩︎

    3. Laloux, Frederic (2014-02-09). Reinventing Organizations: A Guide to Creating Organizations Inspired by the Next Stage of Human Consciousness (Kindle Locations 4197-4205). Nelson Parker. Kindle Edition. ↩︎

    4. Laloux, Frederic (2014-02-09) Reinventing Organizations: A Guide to Creating Organizations Inspired by the Next Stage of Human Consciousness (Kindle Locations 4322). Nelson Parker. Kindle Edition. ↩︎

    5. Laloux, Frederic (2014-02-09). Reinventing Organizations: A Guide to Creating Organizations Inspired by the Next Stage of Human Consciousness (Kindle Locations 4239-4240). Nelson Parker. Kindle Edition ↩︎

    6. http://www.patagoniaworks.com/#index, accessed 2015/06/13 ↩︎

    7. Laloux, Frederic (2014-02-09). Reinventing Organizations: A Guide to Creating Organizations Inspired by the Next Stage of Human Consciousness (Kindle Locations 4371-4372). Nelson Parker. Kindle Edition. ↩︎

    8. Laloux, Frederic (2014-02-09). Reinventing Organizations: A Guide to Creating Organizations Inspired by the Next Stage of Human Consciousness (Kindle Locations 4235-4248). Nelson Parker. Kindle Edition. ↩︎

    9. Laloux, Frederic (2014-02-09). Reinventing Organizations: A Guide to Creating Organizations Inspired by the Next Stage of Human Consciousness (Kindle Locations 4253-4264). Nelson Parker. Kindle Edition. ↩︎

    10. Laloux, Frederic (2014-02-09). Reinventing Organizations: A Guide to Creating Organizations Inspired by the Next Stage of Human Consciousness (Kindle Locations 4264-4266). Nelson Parker. Kindle Edition. ↩︎

    11. Laloux, Frederic (2014-02-09). Reinventing Organizations: A Guide to Creating Organizations Inspired by the Next Stage of Human Consciousness (Kindle Locations 4215-4216). Nelson Parker. Kindle Edition. ↩︎